Tito est soûl. Il ondule dangereusement d’un pied sur l’autre dans un équilibre précaire. Que cherche-t-il dans les premières torpeurs de l’aube après une nuit blanche et solitaire de beuverie ?
Sans nul doute le sens de sa vie au fond mais pour l’instant son esprit est occupé surtout par la question suivante :

“Mais qui donc a tué JFK ?”

Tito est un privé aussi tenace que alcoolisé, même à cette heure plus que matinale …

JFK était un jeune et riche trou du cul notoire parachuté récemment à la direction de la seule et unique entreprise qui produisait encore ce que Tito aimait le plus après les femmes : du whisky.

“Mais qui donc a tué JFK ?” se répète intérieurement Tito.

JFK était loin de représenter une quelconque forme de respectabilité pour Tito mais tout de même, sa curiosité professionnelle et personnelle est piqué au vif : Qui donc aurait bien pu souhaité la mort du nouveau maquereau de sa plus fidèle pute sous verre encore en vente libre ?

Le visage de Tito est buriné par les stigmates de cette relation, un peu comme les traces de griffures dans le dos, oeuvre d’une maîtresse n’ayant pas raté la première marche de l’escalier vers le septième ciel (et encore moins les suivantes) lors d’une partie de jambe en l’air.

“Pour quelles raisons auront-on voulu tué JFK ?”

L’imagination de Tito en matière de mobile de meurtre a toujours été fertile, même embrumée par les vapeurs d’alcools.

Le premier germe d’un imaginaire mobile étant simplement … qu’il n’y en est pas. Le mauvais gars au mauvais endroit au mauvais moment. Mais les informations que Tito avait sur le meurtre ne collait pas : JFK avait été dé-soudé d’une balle en plein front dans son loft près de Soho au douzième étage. La chance pour qu’une balle perdue prenne l’improbable chemin qui transiterait par son front, et ce au douzième étage d’un immeuble, le tout sans effraction … Même la plus intelligente des balles ne savait pas ouvrir une porte ou une fenêtre !

Tito chassa aussi sec ce mobile de sa tête tout en remplissant tout aussi sèchement sa panse avec la dernière mignonnette de whisky qu’il avait pris dans le mini-bar de l’hôtel miteux voisin à son trajet indécis où il avait fait escale.

Il commença à échafauder un deuxième plan aussi boiteux que le premier, assis sur le lit délatté de sa chambre d'hôtel, sans rapport bien sur avec la teneur tout juste augmentée d’alcool dans son corps.

Il se projeta facilement dans la tête d'un meurtrier imaginaire et se mit à élaborer le mobile suivant : çà ne pouvait être qu'un clodo alcoolique armé en manque qui avait choisi d'aller se fournir directement à la source afin de ne plus abreuver les intermédiaires de ses maigres revenus issus de ses pingres de donateurs anonymes et devant le refus de JFK de lui donner ce passe-droit, il le dé-souda.

Tito finit par jeter un œil à la chambre tout en pensant à ce deuxième mobile et scénario. La chambre était … spartiate : un lit deux places avec un matelas portant les stigmates du temps, une table de chevet en chêne sans fioritures surmonté d'une lampe à filaments sans abat-jour, des étagères le long du mur de la porte d'entrée, une fenêtre sans rideaux ni volets et un petit frigo faisant office de mini-bar. Bref, du grand luxe.

Tito s'allongea sur le lit et se mit dans la peau d'un clodo en manque en plein délire qui cherchait un responsable à sa privation. En s'imaginant la scène de ce clodo qui se rencarde sur l'adresse du PDG de l’entreprise fabricant la seule marque de whisky encore en vente, cherche une arme à feux, force la porte de l'appartement de JFK sans laisser de traces; il se rendit compte que un clodo délirant en manque n'aurait pas la vivacité d'esprit de mettre en place un plan pareil, où les traces laissées par le meurtrier sont absentes.

La fatigue commençait à prendre Tito. Ses paupières se faisaient lourdes. Il finit par sombrer dans un sommeil alcoolisé dont les rêves ne seraient que de pâles reflet de ses hantises.