Je suis né un jour rouge, un jour rouge sang. Je suis né un jour au parfum de lys, une porte battante dans le cœur fragmentant chaque pulsation, un ciseau dans l'âme morcelant mes souvenances, déchirant mon être de part en part. Je suis né à rebours remontant l'écoulement du flot continu des heures.\\ Je ne suis pas né ici mais dans un monde de couleur aux nuances écarlates.\\ Je suis pas-né sans chapelure me protégeant des brûlures du monde.\\ Je respire dans un sombre bonheur les heures exquises des lumières se déposant sur l'écorce des arbres. J'entends dans les odeurs des herbes fraîchement fauchées la vie les quittant dans un voluptueux miaulement. Je sens dans les contacts des êtres de chlorophylle leurs rayonnantes odeurs au goût vert. J’explore tel un Ulysse sans navire de vastes contrées à la rigueur monotone dont nul autre ne peut être le visiteur. Je visite des îlots inaccessibles de l'espace-temps aux saveurs succulemment piquantes. J'exulte de mes voyages solitaires qui couvrent la voûte céleste de délicieuses pépites scintillantes aux arômes du temps dépassé. J'entrevois au delà du calme ruisseau des secondes les flammes d'un enfer consumant mon non-être. Je touche du regard les secteurs du cadran d'une horloge égrenant complaisamment le pas-à-pas trottinant d'une aiguille. Je subis les affres des désamours désunis qui ne se manifestent que loin des mondes enchantés. J'aime tel un requin aux dents d'acier des femmes aux existences conditionnelles. J'écoute les notes chantantes du monde du dehors en tremblotant sous leurs plaisantes vibrations résonnant au delà de la fin des temps. Je chevauche des âmes en peine sous le regard triste des vivants d'ici-bas. J'ôte tel un Lancelot blasé de sa quête les peaux blessées de femelles déjà rassasiées. Je me soumets aux désirs langoureux des gens d'ici pour ne pas les retrouver dans un ailleurs fait d'heures de bonheur irréel. Je me transporte sur les barques d'Osiris en galantes compagnies en soudoyant le gardien du temps. Je subis tel un épique chevalier sans armure les revers d'une planète peuplée de bandits aux armes détrempées dans les riantes acides corrodant nombre de vie. J'envie tel un braconnier sans gibiers les retardataires cheminant sur le plein de la ronde terre. Je marche sur les improbables rebords du sphérique monde qui ne demande qu'à être cajolé d'un amour inconditionnel. Je transporte des peurs que nul ne connaît étreintes d'un amour sadique. Je jouis de quarts d'heure d’allégresse. Je m'exprime pour tous les mutiques alanguis croisant le fer avec la vie. Je vole tel un noir corbeau sous la surface du monde et j'en entrevois les imposantes bassesses. Je surfe sur des nuées de suppôts de Satan violentant communément leurs esclaves méritants. Je noue des trames au myriade de formes sans dénouement possible. Je rumine des mots fatigués et pré-mâchés. Je fulmine sur d'ardentes traverses câlines. Je supporte des poids au delà de l'imaginable sur mes frêles épaules. Je nourris des hordes de requins de chairs découpées par de misérables bouchers cannibales. J'aboie tel un sot sur les contreforts de l'au-delà. Je serpente dans les méandres d'un fleuve hagard aux eaux dérivantes d'idées déviantes. Je rougis de chaleur sur un cœur jaillissant du néant. J'opère le changement de cap d'un navire sans voiles aux cales emplies de regrets. Je me projette au delà du firmament et marche sur les nimbes des vents de jadis. J'entends Morphée parler à Euridipe pour l'endormir d'une voix sans âge.\\ Je ne suis qu'une esquisse cubiste aux formes arrondies. Je ne suis d'un rôdeur des derniers quarts d'heure. Je ne suis qu'un élan du retard.